[Histoire] Le circuit de Rouen-les-Essarts

  • Une superbe page consacrée à ce bout d'histoire passée que je me permets de copier et coller ici pour en avoir une trace: https://forgottencircuits.pagesperso-orange.fr/FC_rouen_histoire.htm

    ROUEN-LES-ESSARTS: un toboggan dans la forêt

    Rouen-les-Essarts occupe une place de choix dans le panthéon des circuits automobiles. Pourtant, à y regarder de plus près, la légende ne tient qu'à une portion de 1,5 km sur les 6,5 du tracé « classique »: une épingle et 3 virages, pris à fond. Comment, on peut écrire une légende sur 3 courbes rapides? C'est que justement, réussir à laisser le pied à la planche sur le toboggan normand était réservé à une élite ultra-sélective: de Fangio en glisse des 4 roues sur sa Maserati 250 (sublime photo de Edward Eves) au plus anonyme pilote de la Coupe R5 dont l'auto gigotait dans tous les sens, à la limite absolu de l'adhérence et de la sortie de route, tous en ont gardé un souvenir terrifiant mais indélébile et …hautement addictif.

    L'aura de la descente vers le Nouveau Monde est telle que 95% des documents d'époque lui sont consacrés, au détriment complet des 3 autres quarts du tracé: trouver une photo du virage du Grésil relève de la plus totale gageure. Et pourtant, cette fameuse descente n'existait pas, 2 ans avant le premier Grand Prix...

    OPPORTUNITÉS ROUTIÈRES POUR UNE LÉGENDE

    Hormis les (anciens) spectateurs arrivant par le train, Orival ne dira assurément rien aux amateurs de sport automobile... Et pourtant, le tracé du premier circuit se trouve intégralement sur le territoire de cette petite commune. Il aurait pu prendre son nom, mais on lui a préféré celui du hameau le plus proche de la ligne de départ et dépendant de la commune de Grand-Couronne: les Essarts.

    Faisons un gros retour en arrière: Orival est un petit village blotti dans un méandre de la Seine, sous d'imposantes falaises de craie et sur l'ancienne voie romaine de Rouen à Elbeuf. Le site est stratégique, il vit la construction d'une forteresse et fut fréquenté par Richard Coeur-de-Lion et Jean-Sans-Terre. Plus près de nous, les nazis investirent les cavernes naturelles des falaises pour y stocker toutes sortes de matériel et projetèrent même d’y implanter des V1. La proximité immédiate d'un pont de chemin-de fer acheva d'en faire un site d’importance pour les Alliés et le village se releva détruit à 80% en 1945.

    Parallèlement à la reconstruction de l'habitat, il fallait aussi moderniser le réseau routier. La liaison Rouen-Elbeuf s'effectuait alors par une ancienne Route Royale, passant par Grand-Couronne, escaladant le coteau, traversant la Forêt de la Londe sur le plateau et redescendant vers la Seine par Orival, référencée CD 132. Sur cette carte d'Etat-Major de 1866, on distingue déjà les grandes lignes des voies qui constitueront le premier circuit, près d‘un siècle plus tard :

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    Note: les documents aériens suivants, à quelques exceptions près, ont tous été tournés à 90° vers la droite afin d'en faciliter la présentation.

    En 1933, est créée la Route Nationale 840, reliant Rouen à Verneuil-sur-Avre par Elbeuf, qui escalade les pentes douces de la Forêt de la Rouvray pour arriver au Grand Essart et redescend à Orival dans un vallon à l’Est de la Route Royale par une petite voie sinueuse. Mais ces deux routes au milieu du XXe siècle sont trop peu pratiques pour être adaptées à un trafic poids-lourds moderne. Un tracé beaucoup plus roulant est alors mis en chantier dans ce vallon. Ainsi, c'est une magnifique route aux larges courbes, véritable boulevard à camions, qui vit le jour en 1947, dont on voit ici le chantier le 17 Juin de cette même année :

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    Le carrefour d'avec le CD 132 qui se situait au pied de la première maison fut remonté vers le Nord et aménagé de manière très moderne. Car contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’épingle du Nouveau-Monde ne fut pas créée avec le circuit :

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    De son côté, l'Automobile-Club Normand vit le jour en 1923. Parmi ses membres fondateurs, Jean Savale qui en prit la présidence en 1948. Et en Septembre 1949, le grand projet du nouveau Président – la création d'un circuit de vitesse – est adopté dans l'enthousiasme général. Sans les travaux de la nouvelle route, le site n'aurait certainement pas retenu l'attention des organisateurs. Seulement voilà: ces grandes courbes modernes, ce carrefour parfaitement aménagé, cette remontée raisonnablement sinueuse constituent déjà deux sélectifs côtés d’un potentiel triangle, figure qui définitivement semblât être pendant des décennies la seule à inspirer les organisateurs français.

    Ne reste plus qu'à en raccorder les 2 sommets. La forêt de la Londe, comme beaucoup de forêts domaniales, est quadrillée par de rectilignes chemins. Parmi ceux-ci, le chemin de l'Etoile va constituer le dernier côté du triangle. Sa rectitude permettra d'atteindre d'importantes vitesses de pointe. Mais simplement macadamisé, il doit être aménagé: il faut d'abord combler une petite dépression pour que son horizontalité soit parfaite. Opportunément, Roland Prodhomme, membre de l'ACN, est aussi directeur d'une agence de travaux public qui dispose d'une carrière à proximité. C'est sous ses ordres que le remblaiement est effectué. Le revêtement, d’une largeur de 7 mètres, est constitué de dalles de béton coulées sur place.

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    Au fait, avez-vous remarqué la grande zébrure verticale de forêt déboisée, à droite de l’image ? Il s’agit des travaux préliminaires à la déviation de la RN 138. En 1950, le pont au dessus du CD 132 est même déjà en construction :

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    Mais n’anticipons pas… Le 11-05-1950, à 80 jours des premières courses, où en sont les travaux ? La coulée de béton vient de débuter. On distingue à gauche le carrefour de l’Etoile fermé par des barrières, et à droite le front de coulée et la dernière dalle encore fraîche :

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    La ligne de départ est encore vierge de toute installation, mais d’importants travaux d’élargissement et d’aplanissement des bas-côtés sont en cours dans toute la descente :

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    Les tribunes, stands de ravitaillement et tour de chronométrage seront établis en charpente métallique démontable. Sur les 3 virages les plus serrés (Nouveau Monde, Beauval, Paradis) est peint dans l’axe un original flêchage blanc.

  • INAUGURATION

    Le 30 Juillet 1950, ce ne sont pas moins 100.000 spectateurs qui se pressent dans le cadre forestier majestueux du tout nouveau circuit de Rouen-les-Essarts, développant 5,1km. Ils sont principalement installés sur les hauts talus surplombant la piste, du départ au virage du Nouveau Monde Divine surprise : cette route, conçue initialement comme un « boulevard à camions », se révèle être aussi un redoutable toboggan à bolides. La légende est en marche.

    Fort de ce premier succès, l’ACN met en place une campagne d’améliorations. Hormis, le chemin de l’Etoile, la piste est intégralement resurfacée et délimitée par des bordures béton peintes en blanc. Au Nouveau Monde et au Paradis, une section pavée en demi-lune est rajoutée à l’intérieur de chacun des 2 virages. La tour de chronométrage et de la presse et les stands, plus en retrait de la piste et surmontés de loges, sont édifiés en béton et parpaings. Hors les réclames peintes au dessus des boxes, ils apparaîtront pour cette année vierge de toute peinture et de … châssis de fenêtres ! Le revêtement devant les stands est réalisé en béton. Juste en aval, une passerelle métallique enjambe la piste.

    Il convient de rappeler à ce stade de l’histoire que la Londe est une forêt domaniale ; elle est donc propriété de l’Etat et gérée par l’Administration des Eaux et Forêts qui est transformée en 1964 en Office National des Forêts (ONF). Tous travaux ou implantations sur son territoire doivent donc faire l’objet d’une convention. C’est bien évidemment le cas pour les stands, les tribunes.

    Autre innovation, pour les spectateurs : la nouvelle ligne SNCF passant par Orival et son arrêt spécifique, à 400 m à peine de l’enceinte du Nouveau Monde, sont inaugurés le 8 Juillet pour le Grand Prix !

    LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE

    1952 est (déjà) l’année de la consécration : Rouen-les-Essarts accueille le 39e Grand Prix de l’ACF, comptant pour le Championnat du Monde des Conducteurs. A cette occasion est mise en place l’Association Sportive de l’Automobile-Club Normand, émanation de l’ACN, en charge logiquement des évènements sportifs. Au Nouveau Monde, on aménage le talus Ouest en y taillant des gradins pour 5000 personnes :

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    Notons au passage, la configuration du virage du Paradis, les différents types de revêtement (dalle de béton, pavés, bitume) et l'échappatoire en face:

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    En 1955, premier grand changement : vous souvenez-vous de la grande ligne droite déboisée, sur la photo aérienne de 1947 ? En 1954, les travaux de déviation de la RN 138, qui passait jusqu’à maintenant en contrebas par Grand Couronne, abordent la forêt de la Londe, jusqu’à la maison forestière du Grésil. Une bretelle avec le CD 132 est également créée. D’un large rayon, elle a été construite spécifiquement pour le circuit. Elle n’est en effet d’aucune autre utilité routière puisque plus à l’Est, une jonction avec la RN 840 a également été construite entre les Essarts et le virage du Paradis. Depuis le virage de Beauval, le circuit se prolonge donc désormais sur le CD 132 avant de rejoindre la RN 138 large de 3 voies de circulation, jusqu’au virage de la scierie qui, par la nouvelle portion de la RN 840, ramène vers le départ. Le développé est désormais de 6,542 km.

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    Il est à noter que la portion de la RN 138 entre la scierie et le Grésil ne semble avoir été construite prématurément que pour satisfaire les organisateurs. En effet, pour se rendre de Rouen à Elbeuf, il est alors bien plus rapide de tourner sur la RN 840 à la scierie. Le prolongement de la RN 138 vers Caen ne sera réalisé qu’en 1965, le pont sur le CD 132 restera inutilisé 15 ans ! C’est pour cela que sur des documents d’époque (en particulier le très beau film Castrol réalisé en 1962, voir liens), on a du mal à percevoir, à la fin du virage du Grésil, le prolongement à gauche de la RN. Et pour cause, puisqu’il n’existe pas !

    Si le virage du Grésil est réalisé en bitume, le gros carrefour de la scierie à 2 terre-pleins, est pavé. La ligne droite entre la scierie et la courbe de l'Etoile est quant à elle revêtue en dalle de béton.

    Pendant ce temps, on construit une grande tribune en béton face aux stands, dont on voit les premiers travaux sur cette photo du 11 Mai 1955 :

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    Ce nouveau tracé, élaboré à grand frais, ne va pourtant connaître cette année qu’une course … cycliste (Critérium Paris-Normandie). Prévu le 26 Juin, le meeting sera bien évidemment annulé après la catastrophe du Mans, intervenue 2 semaines plus tôt.

    En 1956 lorsqu’il sera à nouveau possible de courir en France, il faut lancer une campagne d’améliorations de la sécurité. A Rouen, on élargit la piste en amont des stands, on biseaute certaines des bordures qui étaient verticales.

    Puis on construit, face à la tour de contrôle, une tribune de presse « Charles Faroux » avec pupitres, on couvre la grande tribune d’honneur d’une toiture métallique, on creuse un passage souterrain avant la piste de décélération qui permet enfin un accès aisé vers les paddocks qui sont progressivement aménagés sous les grands arbres mais resteront toujours précaires. Un tunnel qui sera d’autant plus utile que la grande passerelle qui est installée pour les manifestations s’effondre en partie lors du Grand-Prix de 1957, provoquant 17 blessés. Elle ne sera plus jamais remontée. 1957, c’est aussi l’année où l’intégralité du virage du Nouveau Monde est pavé.

  • L’ÈRE CLASSIQUE

    Pendant 10 ans, la configuration du circuit de Rouen-les-Essarts et ses installations n’évolueront pratiquement pas. Les grands talus herbeux soigneusement tondus, la majestueuse forêt renverront les échos des moteurs des Grands Prix auto et moto, des nombreux rallies (dont le Tour de France Automobile) mais aussi des plus discrets pignons des coureurs cyclistes. Profitons de ces très belles photos aériennes de 1966 pour en faire une revue de détails :

    Ligne de départ :

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    Virage des Six Frères :

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    Virage du Nouveau Monde :

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    Virage Sanson :

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    Virage du Grésil :

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    Remarquer au passage la RN 138 enfin prolongée vers Caen et que la petite bretelle Caen-CD 132 n'a jamais été construite, contrairement à ce que certaines cartes d’époque indiquent.

    Virage de la scierie :

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    La scierie est parfaitement visible sous le virage, avec son grand pont roulant jaune. On remarque que la section en pavés a disparu (probablement en 1965, lors de la restructuration du carrefour). La date exacte de prise de vue est malheureusement inconnue, mais on peut la situer approximativement après les compétitions du 10 Juillet, en témoigne la trace encore visible de la trajectoire idéale coupant les zébras.

    Courbe de l'Etoile :

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    En bas à droite, le complexe de retransmission télévisuelle et sa gigantesque antenne. En haut à gauche, le carrefour d’avec le chemin de l’Etoile.

    Terminons par une vue d’ensemble en 1968. Et comme l’histoire est un éternel recommencement, avez-vous remarqué le nouveau déboisement en cours dans la forêt ?

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  • UN CIRCUIT DEVENU TROP DANGEREUX

    Dans cette période de 10 ans, le record du tour est passé de 2’33’’3 à 2’02’’6. Alors que la piste était jusque là vierge de tout décès, ils sont 4, de 1967 à 1970, à remplir la liste noire, dont 3 aux Six Frères et ce, malgré l’implantation progressive de rails de sécurité tout autour du circuit. Trop rapide, trop dangereux, sans véritables dégagements, Rouen-les-Essarts doit évoluer.

    Là encore, l’évolution du réseau routier va être à l’initiative de la 2e grosse modification du tracé. Le déboisement visible sur la photo de 1968 annonce la mise en service prochaine (1972) de l’autoroute A13. Il faut raccourcir le tracé, par un tronçon créé tout spécialement sur une parcelle en parallèle dans la forêt, grâce à une nouvelle convention avec l’ONF. Mais avant de découvrir cette nouvelle portion, il faut pouvoir courir l’édition 1971. L’accord fut finalement donné par une commission ministérielle, à un mois et demi seulement du meeting du 27 Juin. Cet accord impose la création de 2 chicanes. L’une est établie juste après le virage du Paradis, au débouché du chemin de l’Etoile. L’autre au virage du Grésil. Les sources varient sur l’emplacement de celle-ci : avant ou après le virage ? Si effectivement, une petite bretelle permet depuis la montée de Grand-Couronne de rejoindre la RN 138, celle-ci est postérieure à 1971. En revanche, sur cette photo de 1973, une autre petite bretelle au raccordement de la RN qui ne semble n’avoir aucune utilité autre que sportive est clairement visible.

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    Une dernière chicane, pour les 6 heures moto, semble avoir été implantée la même année à la scierie. Sur la ligne de départ , la Commission de Sécurité de la FFSA impose le passage des concurrents se rendant à leurs stands à … l’arrière de ceux-ci !

    Pendant ce temps, en 1969, une nouvelle tribune couverte a été édifiée au Nouveau-Monde. Située après les gradins déjà existants dans la remontée, elle permet une vision élargie de la piste, jusqu’aux Six Frères :

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    Le tronçon entre la scierie et le virage de l'Etoile a été resurfacé en bitume. La création du pont au dessus de la future autoroute va modifier le tracé de la RN 840 à ce virage :

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    1972 donc marque l’année du passage de Rouen-les-Essarts dans l’ère moderne. La nouvelle portion le long de l’autoroute, totalement artificielle, selon les nouveaux canons de l’époque, est plutôt sinueuse, à l’horizontale. Le tracé ne développe désormais plus que 5,543 km:

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    L’autre grosse modification du circuit est la restructuration des stands de ravitaillement, désormais bien trop près de la piste. Ils sont donc détruits, seule la tour de contrôle reste en place, les nouveaux sont construits en recul de 20 mètres, surmontés de loges construites en partie sur pilotis béton. Les travaux en cours impliquent une curieuse configuration intermédiaire où le dernier tiers des anciens stands est encore debout, imposant une chicane entre les deux portions :

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    Pour 1973, l’ensemble du complexe est achevé, une vraie voie d’accélération sécurisée se raccorde désormais à la piste après la première courbe:

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    Mais tous ces aménagements n’empêcheront pas un nouvel accident mortel le 22 Juin de cette même année, encore aux Six Frères. Il faut aussi expliquer que les 2 rangées de rail qui y ont été posées après la sortie de route de Jo Schlesser sont quasi à la perpendiculaire de la trajectoire d’un véhicule quittant la piste à cet endroit. A la demande des pilotes, une chicane constituée de gros blocs de polystyrène est installée dans la descente, juste avant le deuxième virage:

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    Peine perdue : trop légers, trop fragiles, les blocs volent et explosent au passage de chaque bolide et les commissaires ont toutes les peines du monde à en conserver l’intégrité. Ce pis-aller est évidemment un échec ; au soir du 24 Juin 1973, le virage des Six Frères, qui fit tant pour la réputation du circuit normand, a vécu.

    Comme pour garder intact l’aura de celui qui portait le nom d’un majestueux hêtre à six troncs situé à proximité dans la forêt, la nouvelle configuration du virage – une chicane le transformant en virage serré et au freinage en appui délicat – se prénomme virage des Roches, par référence aux grandes falaises de craie surplombant la Seine, à quelques centaines de mètres de là. Le talus a été reculé, protégé par plusieurs rangées de grillages :

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    Mais tout doucement, Rouen-les-Essarts perd son prestige dans le calendrier sportif : perte de la F1 en 1968, de la F2 dix ans plus tard, crise pétrolière, contraintes sécuritaires de plus en plus difficiles à respecter pour un circuit naturel, désaffection du public devant l’absence de têtes d’affiches internationales … jusqu’à l’annulation pure et simple du meeting de 1979.

    Il faudra toute la détermination de l’ASACN, le soutien de Jean Lecanuet, sénateur-maire de Rouen et président du Conseil Général de Seine-Maritime et de Jean-Marie Balestre auprès de la FISA pour arriver à remettre en route la machine l’année suivante. Il n’est évidemment plus question de gros aménagements, mais juste de satisfaire aux exigences de sécurité (à commencer par réparer les dégâts des installations vandalisées depuis 2 ans), afin de conserver l’homologation et de maintenir à flot une trésorerie fragile. Car Rouen-les-Essarts souffre aussi de son statut de circuit non-permanent qui l’empêche d’organiser des séances de roulage privées lucratives le reste de l’année et des exigences de l’ONF, propriétaire des lieux, rappelons-le. Et tout doucement, le circuit qui était destiné à disparaître, retrouve un certain éclat, d’année en année.

  • QUAND LA POLITIQUE S’EN MÊLE…

    A tel point que début 1987, on se prend à rêver d’un retour des Formule 1 aux Essarts ! Un temps imaginé sur le tracé historique totalement réaménagé, un projet prend bientôt la forme plus réaliste d’un double anneau permanent autour du chemin de l’Etoile qui accueillerait les installations de la nouvelle écurie de F1 Larousse-Calmels et dont voici un potentiel tracé:

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    Porté par Jean Lecanuet, déjà cité et Charles Revet, tout deux élus de l’actuelle majorité (il s’agit de la première cohabitation), le projet reçoit un écho favorable auprès du premier ministre Jacques Chirac et de son ministre de l’Agriculture, qui a bien évidemment en charge la gestion de la forêt domaniale. La belle unanimité des élus locaux des débuts va bientôt se fissurer : peu à peu, des voix s’élèvent contre le projet, on pense finalement créer la nouvelle piste normande sur le site de Mauquenchy… L’écurie de F1 devenue Larousse-Lamborghini n’ayant pu atteindre ses objectifs sportifs se voit lâchée par le Conseil Général. Suite aux élections présidentielle et législative de 88 qui reconduisent la gauche au pouvoir, le soutien politique bascule de l’autre côté au bénéfice de Guy Ligier, l’ami nivernais de toujours et du projet du nouveau Magny-Cours.

    Qui plus est, en cette fin d’année 1989, il faut renouveler la concession accordée par l’ONF. Celle-ci finit par autoriser à nouveau les compétitions pour 4 ans, mais à condition que le circuit « ne soit pas permanent ». Aux bacs à gravier installés en 1987, on rajoute un mur en béton entre les stands et la piste, on bitume (enfin !) les paddocks…

    4 ans de répit, mais le cœur n’y est plus. On profite des dernières empoignades dans la descente vers le Nouveau Monde jusqu’à ce que la Commission des Circuits de la FFSA elle-même refuse la prorogation de l’homologation. Les dernières courses ont lieu les 26 et 27 Juin 1993 devant 27.000 spectateurs. La situation financière de l’ASACN est telle que de toute façon, elle n’aurait pas eu les moyens de mettre le circuit aux normes. Elle sera liquidée au début de l’année 1994.

    TOUT ERADIQUER

    Construites sur le domaine public, il est évident que les installations désormais inutilisées sont vouées à disparaître… Avant 1997, la structure métallique aux tôles éprises de liberté de la grande tribune a été démontée. Fin 1999, le financement ayant été providentiellement trouvé par la préfecture, on s’attaque en priorité au symbole de la vie sportive du site : la tour de chronométrage ! Quelques semaines plus tard, les stands, les tribunes, y compris celle du Nouveau Monde ont disparu. La DDE s’arc-bouta sur la convention passée avec les Eaux et Forêts en 1954, arguant qu’elle appliquait à la lettre la rétrocession prévue du site.

    Au tournant du siècle, Rouen-les-Essarts a cessé d’exister.

    QU’EN RESTE-IL AUJOURD’HUI ?

    Contrairement à Reims-Gueux, il est donc vain de vouloir y trouver d’imposants vestiges. Pourtant, le passé du site transpire pour peu que l’on veuille bien s’y attarder.

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    Curieusement, c’est le tracé le plus récent qui est le moins visible aujourd’hui (2016) : le bitume de la portion spécifique construite en 1972 a été enlevé consciencieusement plaque par plaque. Il en reste quand même l'amorçe, au virage du Grésil 2e version et la trace dans la forêt sur lequel aucun arbre de haute tige ne semble avoir encore poussé.

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    La RN 138 existe toujours, désormais à 2x2 voies, mais le virage du Grésil n’est plus qu’une simple tranchée dans la canopée forestière, destinée à disparaître progressivement.

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    Le grand carrefour de la scierie a été remplacée par un échangeur, la ligne droite vers le Paradis est maintenant une grande courbe (entrecoupée par un rond-point) que l’on croit souvent à tord être encore le tracé d’origine (voir photo aérienne plus haut). La courbe de l'Etoile elle-même n'existe plus.

    Le tracé de 1950 est quant à lui encore parfaitement intact ! Même, sous le mauvais bitume trop étroit, les dalles de ciment d’origine du chemin de l’Etoile et leurs extensions sont encore parfaitement identifiables.

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    Le carrefour du Paradis: à gauche la ligne droite qui ramène vers la ligne de départ; en face, le chemin de l'Etoile; enfin, derrière le talus à droite se raccordait la section artificielle post-1972:

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    Les pavés du Nouveau Monde, recouverts d’un bitume lui aussi de mauvaise qualité ressortent ça et là.

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    Dans ce même virage, les 4 escaliers qui desservaient les gradins ne sont pas encore totalement recouverts par les broussailles.

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    Sur la ligne de départ, les jeunes arbres masquent progressivement le paddock mais son bitume souligné de quelques lignes de peinture est toujours présent, sous les grumes stockées par l’ONF.

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    De l’autre côté, parmi les buissons, on peut encore voir apparaître quelques unes des élégantes barrières blanches qui ceinturaient le public.

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    Légèrement en amont, à proximité du laconique arrêt de bus « Circuit Auto », bien caché également par la végétation, le passage souterrain d’accès au paddock et ses garde-corps sont toujours là !

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    La descente du Nouveau-Monde qui fut un temps à 3 voies, a vu sa voie centrale neutralisée et horriblement balisée par d’immondes potelets plastiques. A ses deux tiers, la chicane des Roches est toujours visible, mais les étroites bordures en béton ne sont pas celles d’origine.

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    Toute la remontée depuis le Nouveau-Monde est intacte, la végétation y a simplement repris ses droits.

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    Plus anecdotique mais qui l’a déjà remarqué ? En aval du virage du Nouveau Monde, juste avant la première maison, un morceau de bitume sur la gauche, de l’autre côté du fossé, témoigne de l’ancien tracé de la route d’avant 1948 qui accueillit pendant les compétitions le parking des officiels et la tente de l’antenne médicale.

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    REMERCIEMENTS

    Merci à Hervé Valette, webmaster d'AlpineRenault.com pour ses photos.

  • J'adorais le circuit sur rf1 :merci:  Pascalou

    une petite vidéo que j'avais fait il y a pas loin de 10 ans

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  • Merci pour ce partage Pascalou ! Rouen les essart et son histoire ! il est parmi mes circuits préférés, je n'y suis jamais allé, je l'ai connu grâce au jeu Grand prix légends, il me semble que le circuit est porté sur le jeu Nascar racing saison 2003 et on y jouait avec les mods de voitures pour circuits routiers. En tous cas c'est sur qu'il a été porté ensuite sur rfactor 1 en plusieurs versions par la fabuleuse équipe de modeur VLM, qui ont fait aussi le magnifique lemans en 4 version suivant 4 années. Ce circuit continue d'être dans les simus actuelle, et ça fait bien plaisir !

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    Message modifié 1 fois, dernière modification par Huguess (17 janvier 2022 à 21:54).